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A Fleur de Mots

Littérature

BURKINABè, MON AMI… (Extrait de L'EVEIL DE LA SAMANDRE)

Bobo-Dioulasso, quartier Sarafalao… Ces noms se mettent à résonner soudain en elle, martelant sa poitrine comme le son d’un tambour… Burkina Faso, le pays des hommes intègres. Noumou… Voilà que son dernier voyage est en train de s’accomplir. Une partie de ses cendres, que la Salamandre conservait depuis cinq longues années, va enfin retourner à sa terre natale. Le soir où, accompagnée de la famille de son ami, elle avait choisi dans l’urgence la plage des Fontaines pour son dernier repos, un arrière-goût d’insatisfaction s’était emparé d’elle ; le sentiment que le vœu le plus cher de son ami partait à la dérive dans une contrée qui n’était pas la sienne. Le lendemain, elle était revenue sur les lieux pourvue d'une petite boite en papier mâché, sa vieille boite qu’elle traînait depuis toujours, la première achetée et la dernière gardée, cette petite boite qui n’avait jamais servi à rien de particulier, mais qui restait là depuis son adolescence, la suivant dans tous ses déménagements, se promenant d’étagères en tiroirs, semblant attendre son heure, son ultime sens. Équipée d’une cuillère en faïence, elle avait recueilli avec grand respect un peu de ce qui restait de lui, dans ce tronc d’arbre couché où, la veille, elle l’avait déposé, honoré et prié. Le vœu le plus cher de Noumou était de retourner au Burkina Faso, au plus près de la tombe de sa mère, m’ba… "Jamais il ne trouvera la plénitude totale ici, songea la Salamandre ; une partie de ce qu’il fut doit rentrer chez lui". C’est avec tout son amour, toute sa tendresse, qu’elle emplit la petite boite en papier mâché d’un peu de celui qui avait été son plus grand ami, priant tous les anges qu’un jour prochain elle puisse le ramener chez lui ou confier cette mission à un membre de sa famille. 

Aujourd’hui, elle éprouve le bonheur serein d’avoir accompli ce qui devait l’être. Une larme d’émotion intense roule sur sa joue. Pas une larme de tristesse, non. Une larme d’émotion intense. Burkinabè, mon ami… ta famille te ramène enfin chez toi.

Elle n’a pu pourtant se résoudre à se séparer totalement de lui. Car elle va quitter les lieux elle aussi, abandonner la plage des Fontaines aux souvenirs. Alors hier, elle a décidé de le partager. Une partie de lui restera à jamais ici, dans ce tronc d’arbre dont il ne reste qu’une souche ; une partie de lui rentrera au pays qui l’a vu naître ; et une partie de lui l’accompagnera elle, à l’endroit qu’elle a choisi pour parfaire son Eveil. Avec grand recueillement, elle a allumé une bougie, un bâton d’encens, fait couler la voix de Salif Keita. Avec minutie, elle a ouvert la petite boite en papier mâché. Avec mille précautions, elle a puisé un peu de son ami qu’elle a déposé avec douceur dans un autre réceptacle destiné à l’Afrique. Du bout de son doigt, elle a lissé la surface du petit tas de lui, comme une caresse, y déposant des poussières de tendresse éternelle, bénissant son retour. La petite boite en papier mâché, quant à elle, fut refermée avec délicatesse et sourire contenté, et reprit sa place discrète sur l’étagère.

 

KinouKachou Janvier 2017

 

 

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J
..les mots me manquent
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K
Merci bcp jupi