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A Fleur de Mots

Littérature

L'ATTENTE (Extrait 27)

Christophe entra le premier, puis s’écarta pour céder le passage à celle qui faisait battre son cœur. Lorsque Valérie se présenta, elle planta ses yeux verts dans ceux de Ferdinand Le Bel avec une telle spontanéité qu’il devina ce qu’avait pu ressentir son fils en croisant son regard la première fois. Elle serra sa main dans les deux siennes, exprimant sa joie de le rencontrer. Il répondit en toute sincérité que tout le plaisir était pour lui. Ils ne s’attardèrent pas et prirent la route pour Lambesc. Valérie proposa à Ferdinand Le Bel de s’asseoir à l’avant près de Christophe, mais il préféra s’installer à l’arrière. De cette position, il put l’observer discrètement. Ses cheveux bruns étaient roulés en une sorte de chignon d’où s’échappaient quelques mèches ondulées. Elle portait la nuque droite, non pas comme une trop fière d’elle, mais plutôt à la manière de ceux qui n’ont rien à cacher. Il se dégageait d’elle une certaine prestance. Puis il élargit son champ d’observation pour les regarder tous les deux. De dos, ils formaient un beau couple. Ce point de vue était important, car c’est ainsi qu’on était perçu par les autres, ceux à qui l’on ne prête pas attention. Face aux gens, certaines personnes adoptaient une allure qui pouvait être trompeuse, une sorte de cliché du bonheur parfait. Le dos d’un être en dit plus long sur ce qu’il vit que la face qu’il affiche. Ces deux-là semblaient regarder dans la même direction et s’y diriger d’un pas tranquille. Durant le trajet, ils parlèrent de tout et de rien, et surtout, Christophe n’évoqua pas une seule fois son travail et son téléphone multifonctions resta silencieux. Ils furent accueillis par les filles de Louise que la curiosité avait poussées au premier rang. Tout en entourant leur grand-père d’une tendresse indéniable, elles jetaient des coups d’œil furtifs en direction de Valérie pour en percevoir quelques bribes avant les présentations officielles. Louise, avec sa douceur habituelle, lui souhaita la bienvenue et la pria de faire comme chez elle, car dans la famille on est comme ça, pas de chichis. Pauline et Juliette avaient dressé la table à l’ombre du tilleul. Sur la nappe bleue, elles avaient déposé quelques fleurs champêtres dans des coupelles d’eau et chaque serviette était entourée d’un brin de lavande. Ferdinand Le Bel s’étonna de les trouver si changées. Pauline, surtout, semblait avoir laissé derrière elle ses envolées théâtrales et portait maintenant un intérêt prononcé pour le journalisme. Elle photographiait ce qui se présentait à son regard et le faisait de manière si naturelle que cela passait presque inaperçu. Juliette avait grandi elle aussi, mais l’enfance la tenait encore d’un pied ferme, ce qui lui permettait une grande liberté dans ses réalisations artistiques. Elle créait pour son propre plaisir et non pour le regard de l’autre. Elle portait autour de ses poignets une rangée de bracelets insolites, faits de bois mélangé à de la ficelle et du métal ainsi que de graines en guise de perles. Le résultat n’était pas des plus gracieux, mais il avait l’avantage certain d’être original.

La journée se déroula comme se déroule un dimanche en famille. En ce sens que l’atmosphère était aussi détendue que si chaque membre avait fait partie de ce groupe depuis longtemps. Louise avait apprécié Valérie au premier regard et cela n’avait pas échappé à Ferdinand Le Bel. Christophe, pour une fois, était complètement déconnecté de ce qui habituellement lui servait de deuxième souffle, et il respirait avec plus de calme et d’aisance. Valérie avait l’air de se sentir bien parmi eux. À ce moment-là, il croisa le regard d’Arnaud. Il faisait partie de la famille depuis longtemps maintenant. Il se remémora le jour où Louise l’avait amené à la villa des mimosas pour le leur présenter. C’était un jeune homme discret à l’allure bohème, et Rosalie avait été séduite à la première seconde par la sensibilité qu’elle percevait chez lui. Quant à lui, il lui avait fallu un peu plus de temps pour se faire une idée. Un père ne donne pas sa fille à n’importe qui ! Puis il avait bien vite vu qu’Arnaud était très épris de sa fille et désirait, plus que tout, la rendre heureuse. Cela lui parut être la meilleure des qualités et jusqu’à ce jour, cet homme avait l’air d’avoir rempli sa mission. Louise était épanouie auprès de lui, et les regards qu’ils échangeaient, les petits gestes prévenants qu’ils avaient l’un pour l’autre prouvaient que leur sentiment amoureux n’avait rien perdu de sa fraîcheur. Valérie voulut visiter le jardin d’herbes médicinales et Louise l’entraîna dans son monde parfumé de senteurs subtiles. Les filles les accompagnèrent, si bien qu’ils se retrouvèrent entre hommes autour de la table. Arnaud entama la discussion en racontant qu’il avait vu un reportage sur la pêche qui lui avait donné envie d’une petite partie en famille. Il proposa une virée à Pertuis pour le dimanche suivant si tout le monde était partant. L’étang des Cerises était d’accès facile, on y pêchait la truite et la carpe, et une plage permettait de se baigner en toute sécurité. Il proposait de partir le matin et de pique-niquer sur place. Christophe accueilli l’idée avec enthousiasme, et quand Arnaud demanda à Ferdinand le Bel ce qu’il en pensait, celui-ci répondit que c’était une bonne idée et il n’en dit pas plus.
 
A suivre...
 
KinouKachou Avril 2017

 

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