SENSUALITE (Extrait 20)

Fabrice la trompait depuis des années, et elle n’avait rien vu. Leur conversation dura des heures. Lisette avait besoin de sortir d’elle tout ce mensonge qui avait accompagné sa vie, tapi dans l’ombre. Elle n’était pas effondrée, elle était effarée. Elle ne comprenait pas pourquoi, comment cela lui avait échappé. Elle ne savait plus trop qui elle était, n’arrivant pas à se situer dans ces années passées auprès de cet homme, du père de ses enfants, qui lui dépeignait une vie qui n’était pas la sienne. Leur séparation avait été quasi immédiate à la découverte du pot aux roses et Fabrice quitta le foyer pour aller s’installer chez celle qui était la cause d’heures de travail tardives et de réunions sans fin depuis son entrée dans cette succursale de Toulouse. Dix ans ! Dix ans qu’il me trompe avec elle, tu te rends compte !! gémissait Lisette d’une voix empreinte d’incompréhension. Les vacances de février approchaient et Bulle proposa à son amie de venir passer quelques jours à Nantes avec les enfants. Ils avaient dû bien grandir depuis tout ce temps. Ça leur faisait quel âge maintenant ? Douze et treize ans… Que le temps file, se dit-elle. Lisette, Sacha et Loula arrivèrent chez elle un samedi en fin de journée. Le soleil avait brillé tout l’après-midi, mais sa déclinaison avait apporté une fraîcheur soudaine et Bulle avait allumé la cheminée. Elle accueillit son amie, la serrant fort dans ses bras, et ses enfants avec l’étonnement de retrouver ce qu’elle retenait d’eux, malgré la transformation évidente après tant d’années. Leur sourire et leur regard n’avaient pas changé, ils avaient juste grandi. Durant leur séjour, la pluie ne fit pas son apparition. Ils passèrent leurs journées à flâner dans les parcs, sur le bord de la Loire, et dans quelques vieilles boutiques du quartier Bouffay, le quartier de leur jeunesse, et dans ce bar où elles avaient bu un chocolat chaud juste avant la naissance de Sacha, dans ce même bar où elles venaient traîner après les cours. Le Pti Zinc n’avait pas changé. Légèrement en retrait de la rue de l’Émery, niché dans un coin de mur, on le remarquait à peine lorsqu’il était fermé. Dès que l’immense terrasse se déployait, l’endroit se transformait et prenait l’allure d’un bar de village. L’intérieur, malgré sa petite taille, était un coin où il faisait bon se réfugier en période hivernale, et la mezzanine offrait une ambiance chaleureuse et intime. Elles avaient fait visiter l’étage aux deux adolescents, mais s’étaient ensuite installées sur la terrasse baignée de soleil. Elles avaient tant de souvenirs de moments passés ici qui ressurgissaient soudain. Bulle lui avait pris la main et lui avait dit : « Tu as besoin de vacances Lisette. J’ai revu il y a peu de temps un vieil ami qui m’a proposé la maison de son cousin en location à Belle-Île à un prix imbattable en dehors des vacances scolaires, pour le cas où j’aurais envie d’un peu d’évasion. Je pense qu’une dizaine de jours au bord de la mer te ferait le plus grand bien. Tu m’as bien dit que vous aviez mis en place un système de garde alternée avec Fabrice ? Réfléchis à ma proposition et donne-moi tes possibilités, je me charge d’organiser la suite. »

A suivre...

KinouKachou - Janvier 2018