SENSUALITE (Extrait 6)

Bulle, Bulle... où cela va-t-il te conduite ? Tu es en train de t'empêtrer dans quelque chose qui te dépasse. Tu la distingues bien pourtant cette petite lumière rouge qui clignote et essaie de te dire : Attention où tu mets les pieds...

Voilà les pensées qui tournaient dans la tête de Bulle alors qu'elle foulait le bitume d'un pas énergique. Habituellement, plus elle marchait vite, plus ses idées s'éclaircissaient. Mais là, elle avait l'impression de tourner en rond ! À tel point qu'elle se força au calme pour vérifier sa position. Où était-elle ? Elle ne savait depuis combien de temps elle crapahutait ainsi dans les rues. Elle fut surprise de se retrouver non loin du jardin des plantes. Elle avait effectivement beaucoup marché et en faisant sans aucun doute de sacrés détours pour arriver par ce côté de la ville. Elle se dit que maintenant qu'elle était là, autant en profiter pour tenter de s'imprégner du calme végétal. À peine franchie la grille, elle ressentit les effets bénéfiques que ce lieu lui procurait. Avec la saison fraîche qui s'était installée, peu de visiteurs s'aventuraient dans ce parc très fréquenté au printemps et en été. Pourtant, l'automne offrait un spectacle sans pareil. On y voyait moins de fleurs, mais les grands arbres s'habillaient de feuilles aux couleurs mordorées qui captaient la lumière avec une grâce infinie. Pour peu qu'un petit vent s'invite, son souffle faisait chanter tout ce petit monde et cela suffisait à Bulle pour être envahie par  le merveilleux. Elle poursuivit son chemin jusqu'aux grandes serres. Elle adorait cet endroit. Plus que tout le reste. Les grandes verrières moussues dataient de milliers d'années, semblait-il. Avant d'y pénétrer, elle en fit le tour, collant ses mains sur les vitres pour en inspecter l'intérieur. L'accès n'en était autorisé que certains jours, à certaines heures, et sur réservation seulement. Mais Bulle connaissait le gardien. Lui savait qu'elle ne dérangerait rien, qu'elle ne poserait que son regard aérien sur ce monde végétal. Souvent, il l'observait discrètement, trouvait un prétexte pour entrer à son tour dans cet espace de verre où l'extérieur disparaissait derrière les vitres recouvertes de buée. Il la regardait évoluer parmi les immenses cactus vieux de nombreuses années, aussi  rayonnante que les énormes fleurs qu'ils arboraient à l'approche de l'hiver. Peut-être pensez-vous qu'il était amoureux d'elle ? Et bien, ce n'est pas ainsi qu'il aurait défini ses sentiments. Il éprouvait une certaine admiration pour elle, c'était certain, mais elle l'intriguait beaucoup surtout.

A suivre...

KinouKachou - Octobre 2017