LA VALISE AUX CARTES POSTALES 3

J’ai voyagé en voiture, en train, en avion. Les déplacements en voiture étaient de loin les plus confortables. On me manipulait avec précaution, m’installant sur la banquette arrière à portée de mains. Les trajets en train avaient quelque chose d’excitant. En général, j’étais perchée au-dessus du fauteuil de mon maître parmi les sacs et vestes des passagers alentour. On est un peu coincé dans ces endroits, mais l’on pourrait écrire un livre de tout ce que l’on voit et entend. Les gens se méfient des oreilles et des yeux de leurs voisins, mais pas de ceux d’une valise… Quand le wagon était trop bondé, on me déposait à l’entrée, sur des grilles où s’entassaient les bagages les plus volumineux. Je n’étais pas très à l’aise dans ces cas-là, écrasée parfois contre les côtes d’une malle puissante, ou supportant sur mes épaules un vieux sac de sport puant la sueur. Sans compter les voyageurs n’ayant pas réservé leur place et se retrouvant obligés de voyager debout. Certains n’hésitaient pas à se reposer sur moi comme sur un vulgaire banc. À chaque arrêt dans une gare, je priais pour que personne ne me dérobe à mon maître. Je dis bien dérobe, car il n’aurait pu s’agir que d’un geste volontaire. La confusion n’était possible avec aucune autre de mon espèce. J’étais unique, mon maître ayant pris soin de me personnaliser. Dès notre premier voyage, il avait entouré ma poignée d’une lanière de tissu rapportée du Mexique, dont les tons vert et orange s’accordaient bien avec ma robe. Une médaille représentant la Pierre du Soleil y était accrochée. Ce détail ne pouvait passer inaperçu dès lors que l’on me prenait par la main. Puis il y avait l’avion pour les destinations les plus lointaines. J’avoue que c’est ce que j’aimais le moins. Mon dernier voyage était de ceux-là, et la fin aurait pu en être tragique;

A suivre...

KinouKachou Février 2016