SENSUALITE (Extrait 27bis)

Bulle remarqua un tremblement sur la lèvre du vieil homme. Pas de la même manière que quand un chagrin s'empare de vous, non... Plutôt comme lorsqu'un frémissement de plaisir vous envahit. Il ouvrit les yeux pour découvrir ce que ses doigts devinaient. En analysant le vitrail comme l'aurait fait une personne atteinte de cécité, il avait perçu une matière qui se différenciait des autres. Il n'avait pas remarqué ce détail lorsque Bulle avait retiré la toile de protection. A présent, il ne voyait que lui et découvrait que d'autres éclats de la même sorte se cachaient dans ce bouquet de pétales rosés. « C'est parfait ! Dit-il. C'est exactement ce que j'attendais. Je veux dire dans l'absolu, car j'étais incapable de me faire une image de ce que je désirais. Je savais que je pouvais compter sur vous. Je l'ai senti tout de suite. Il y a quelque chose d'aérien en vous qui semble traverser le temps. Quand pensez-vous qu'il pourra être installé ? » Bulle consulta son agenda et proposa le jeudi suivant, si cela lui convenait, et si le temps le permettait. Armel Le Bihan s'enthousiasma d'une telle rapidité. Ils décidèrent de se retrouver au cimetière de la Miséricorde à dix heures trente. Bien entendu, s'il pleuvait des cordes ce jour-là, ils reporteraient le rendez-vous. Le vieil homme, avant de prendre congé, laissa ses mains se promener une dernière fois sur le vitrail, puis en se retournant vers elle, la remercia du fond du cœur pour cette magnifique réalisation. Après son départ, Bulle s'installa à son bureau, sortit une feuille de papier et commença à tracer les grandes lignes de cette composition qui hantait son esprit depuis un certain temps maintenant. Mais elle ne fit que reproduire ce qu'elle avait commencé chez elle. Ses pensées s'envolaient ailleurs... Elle songeait à son client. Ce vieil homme avait l'âge d'être son père, et il avait réveillé en elle un manque enfoui depuis longtemps.

A  suivre...

KinouKachou - Septembre 2018