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A Fleur de Mots

Littérature

SENSUALITE (Extrait 29)

 

L'été de ses huit ans, Bulle s'installa donc pour les vacances dans la caravane de son père. C'était une grande caravane et l'on y trouvait tout le confort d'une maison. Le terrain en comptait une quinzaine, ce qui lui donnait l'allure d'un petit village. Le matin, tout le monde se retrouvait dehors, une tasse à la main, les yeux encore embrouillés de sommeil. Personne ne dérogeait à ce rituel. On ressentait ce besoin d'extérieur en chacun. Timide les premières heures, Bulle ne tarda pas à se sentir ici comme dans une grande famille. Elle partageait beaucoup avec les enfants de la troupe. Elle apprit à jongler avec Miguel et Pedro, les jumeaux de la belle Paola, s'essaya à la contorsion avec Maya qui, du haut de ses six ans, se pliait comme un morceau de caoutchouc, testa son équilibre, debout sur le dos de Gypsi la jument alezane. Elle restait bouche bée devant Séraphin, le cracheur de feu, qui illuminait la nuit de flammes multicolores. Elle pouvait passer des heures à observer les serpents de la mystérieuse Zelda dont les yeux verts rappelaient ceux de ses reptiles. Lorsqu'elle s'adresssait à eux, Zelda employait un langage venu d'un pays lointain aux parfums d'épices et de sable chaud. Eux buvaient ses paroles en ondulant leur long corps comme l'aurait fait une danseuse sous le charme d'une musique envoûtante. Et il y avait Léonard le magicien. C'était un drôle de personnage. Sa tignasse couleur feu le faisait ressembler à un renard. Ce jeune homme d'un peu plus de vingt ans n'avait pas eu une enfance heureuse. Ses parents avaient laissé ce petit sourd-muet dans un coin de leur vie. C'est ainsi qu'il s'intéressa à la magie, et comme il avait beaucoup de temps à lui, il s'y adonna à fond. Lorsqu'il eut dix-huit ans, il quitta cette famille qui ne lui avait jamais rien apporté d'autre que le gîte et le couvert et partit sillonner le pays au gré des petits boulots saisonniers. C'est ainsi qu'il avait rencontré la troupe du cirque de Grégoire Plantin. Bulle aimait bien Léonard et son silence. Il lui avait enseigné quelques-uns des signes du langage des malentendants. Mais il savait très bien se faire comprendre sans. Ses yeux parlaient pour lui. Ses expressions, ses sourires aussi. Et il était vraiment très fort en matière de magie !

A suivre...

 

KinouKachou - Septembre 2018

 

 

 

 

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