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A Fleur de Mots

Littérature

SENSUALITE (Extrait 31)

Le carillon de la porte de l'atelier ramena Bulle à la réalité. Élise, l'employée du salon de coiffure de la rue, entra toute pimpante : « Bonjour Bulle ! Encore au boulot à cette heure ? » Bulle regarda sa montre. Effectivement, il était plus de treize heures. Élise ne lui laissa pas le temps de répondre qu'elle enchaîna : « Bon, assez travaillé ! Viens, je t'offre un verre. Et ne t'avise surtout pas de refuser, c'est mon anniversaire aujourd'hui ». Devant la mine hésitante de Bulle, elle rajouta : « Allez !! on se voit toujours en courant d'air et nous n'avons jamais pris le temps de vraiment faire connaissance. » Bulle succomba à cette avalanche d'enthousiasme. Elle attrapa son sac, ferma la boutique, et se laissa entraîner dans le tourbillon joyeux de la jeune femme. Elles se dirigèrent vers la Place Mangin pour aller s'installer sur la terrasse du café Mon Bistrot. Bulle n'y avait jamais mis les pieds. D'ailleurs, elle n'allait que très rarement dans les bars, et encore moins seule. Elles commandèrent un Kir breton et Élise continua son flot incessant de paroles. C'était une jeune femme pétillante, un peu exubérante avec ses mèches de cheveux roses, ses yeux de biche surlignés d'eye-liner et ses tenues atypiques. Bulle se demandait si elle confectionnait elle-même ses vêtements, car, pour sûr, ils étaient on ne peut plus originaux. En fait, elle était tout son contraire. Et ne dit-on pas que les contraires s'attirent ? Jusqu'à ce jour, elles se croisaient dans la rue en sortant du travail, ou lorsque Bulle avait besoin d'une coupe de cheveux. C'était toujours Élise qui s'occupait de sa tête. Cela s'était fait naturellement. Elle l'avait coiffé la première fois, et sans que cela soit vraiment décidé, lorsqu'elle venait prendre un rendez-vous, Élise s'avançait en disant : « je m'occupe de madame ». C'est ainsi qu'elles avaient développé une certaine camaraderie sans franchir la limite d'une plus grande familiarité. Apparemment, le moment de passer à plus d'intimité était arrivé. Plongeant ses yeux dans les siens, Élise lui demanda de but en blanc : « Alors, Bulle, dis-moi un peu, quels sont tes rêves dans la vie lorsque tu n'es pas plongée dans ton monde de transparence ? » Bulle fut surprise par cette entrée en matière si directe. Elle réalisa que toute sa vie tournait autour de son travail. Mais Élise avait employé le mot RÊVES, et il lui semblait maintenant sentir le frôlement d'une main sur son bras. Elle eut un frisson, puis répondit : « Mes rêves ?... Ce serait un peu long à raconter. Et d'ailleurs, je ne sais pas moi-même où ils veulent me conduire. On dirait qu'ils essaient de me montrer quelque chose que je n'arrive pas à voir. Enfin... c'est difficile à expliquer. Je me perds un peu dans tout ça ». Bulle n'était pas du genre à se confier, et elle fut étonnée de livrer ainsi quelque chose qui n'avait jamais dépassé le seuil de ses pensées. Élise remarqua son trouble, et pour la rassurer lui dit : « Ma question te gêne peut-être ? C'est parce que nous ne sommes pas vraiment amies... Mais qu'à cela ne tienne ! Je fais une petite fête chez moi samedi soir. Je serais heureuse que tu te joignes à nous ». Avant que Bulle ouvre la bouche pour répondre, elle déchira un morceau de son paquet de cigarettes et y griffonna son adresse en disant : « Je t'attends pour vingt heures. Inutile d'amener un cadeau, ta présence en sera déjà un ». Elle parla ensuite de tout et de rien, de tout surtout. Cette fille était incroyable !

A suivre...

KinouKachou - Septembre 2018

 

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